Comment peut on se saisir collectivement de la question des biens communs et de leur partage ?
Pour répondre à cette question, CLICC n’a bien évidemment pas la prétention de livrer une formule clé en main mais propose des pistes de questionnement à enrichir et approfondir ensemble. 

Ce qui suit est une réduction (en nombre de caractères) de la première partie de l’article suivant paru sur le site Framablog :

On ne peut considérer le système des biens communs comme une alternative pour le 21e siècle que s’ils représentent effectivement un dénominateur commun entre différents mouvements sociaux et écoles de pensées.

Les biens communs sont omniprésents dans les sphères sociales, naturelles, culturelles, numériques.
Ils déterminent notre qualité de vie. Ce sont à la fois les biens eux mêmes et la relation que l’on entretient vis à vis d’eux :
  • comment les utilisent on ? efficacement ?
  • comment les partagent on ? équitablement ? 
Leur vocation est de créer des richesses, de celles qui permettent d’assurer le développement de la vie de la communauté maintenant et pour l’avenir. Les biens communs représentent un mode de partage différents des règles commerciales que nous connaissons, qui ouvre une autre vision de l’économie. C’est une catégorie à part de production et d’usage du savoir et des biens matériels, où la valeur de l’usage est privilégiée par rapport à la valeur marchande. C’est une autre façon de coopérer.


Le sujet des biens communs offrent un cadre offre un cadre pour la convergence et la consolidation des mouvements en établissant des ponts entre les secteurs et les communautés.
Dans le débat politique public, il y a une division entre différents domaines de connaissance et d’autorité. Il en résulte des communautés (sur-)spécialisées pour chacun des centaines de problèmes auxquels nous sommes confrontés et de nombreux chainons manquant. cela contribue à l’atrophie de notre capacité commune à suivre l’actualité économique, politique et technologique ainsi que les changements qui se produisent.
Notre capacité à réagir à ces changements et à faire remonter soigneusement des propositions alternatives et cohérentes s’en retrouve diminuée.
Les biens communs peuvent unifier des mouvements sociaux disparates, même si leur dynamique est profondément différente. Les biens communs nous permettent en effet de nous concentrer sur ce qui nous unis, sur tout ce que nous avons en commun, pas sur ce qui nous sépare.


Tout ne s’arrête pas au clivage public/privé. On peut s’approprier une ressource commune partagée pendant une courte durée (pour reproduire nos moyens de subsistance), mais on ne peut pas faire tout ce qu’on veut avec. Il est primordial de garder à l’esprit que le concept de possession pour usage est différent de la propriété exclusive conventionnelle. Contrairement à propriété, possession n’est pas synonyme d’aliénation.

La perspective des biens communs n’est pas binaire. Les biens communs se tournent vers le troisième élément, celui qui est toujours oublié. Notre compréhension des ressources que nous possédons en commun en ressort approfondie, tout comme celle des principes universels (et fonctionnels) des peuples qui protègent leurs ressources communes partagées. Dans le domaine des bien communs, nous privilégions l’apprentissage de la coopération plutôt que la concurrence. Les biens communs favorisent l’autogestion et les technologies ouvertes, développées et contrôlées en commun, plutôt que les technologies propriétaires qui tendent à concentrer le pouvoir dans les mains des élites et qui leur donne le pouvoir de nous contrôler.


Parler des biens communs, c’est se concentrer sur la diversité. De toute évidence, l’une des forces de cette approche réside dans l’idée qu’il n’existe pas de solution simpliste, pas de schéma institutionnel, pas de miracle taille unique, uniquement des principes universels tels que la réciprocité, la coopération, la transparence et le respect de la diversité d’autrui. Chaque communauté doit déterminer les règles appropriées à l’accès, à l’usage et au contrôle d’un système de ressources partagées bâti sur ces principes.


Dans une société centrée sur les biens communs, la coopération est plus valorisée que la compétition.
Le slogan est :

Battez vous pour la place de numéro un des coopérateurs plutôt que pour la place de numéro un des compétiteurs

Les règles précises régentant la coopération dans un système des biens communs change d’un cas à l’autre. Aucun autorité supérieure ne peut les dicter. La théorie et la pratique des biens communs nous apprennent que de par le monde, de nombreux systèmes d’administration des biens communs s’auto-régulent, c’est-à-dire qu’ils créent leurs propres systèmes de contrôle. Ou ils s’auto-régulent et se coordonnent à différents niveaux institutionnels.

Les biens communs ne dissocient pas la dimension écologique de la dimension sociale, au contraire d’une vision verte inspirée du New Deal.
Il est sans doute nécessaire d’inclure les coûts écologiques de la production dans l’ensemble du processus manufacturier.Mais ça ne suffit pas. Ce genre de solution ne règle pas la dimension sociale du problème, elle tend au contraire à creuser un fossé, faisant des solutions un problème d’accès à l’argent. Ceux qui y ont accès peuvent se permettent de payer le surcout écologique, ceux qui ne l’ont pas se retrouvent laissés pour compte. Les biens communs, au contraire, apportent une réponse au problème écologique et au problème social.

Une solution au cœur de laquelle se trouvent les biens communs ne laisse personne pour compte.

Le concept des biens communs fait siennes plusieurs visions du monde : on y retrouve la pensée socialise (la possession commune), la pensée anarchiste (l’approche auto-organisée), la pensée conservatrice (pour qui la protection de la création est importante) et évidemment les pensées communautaristes et cosmopolites (la richesse dans la diversité) et même la pensée libérale (affaiblissement du rôle de l’État, respect des intérêts et motivations individuelles à rejoindre une communauté ou un projet).

La perspective permettant de mesurer l’adhésion des idées politiques au paradigme des biens communs est triple et bien définie :
  • usage durable et respectueux des ressources (sociales, naturelles et culturelles, y compris numériques), ce qui signifie : pas de sur-exploitation ni de sous-exploitation des ressources communes partagées.
  • partage équitables des ressources communes partagées et participation à toutes les décisions prises au sujet de l’accès, de l’usage et du contrôle de ces ressources
  • le développement libre de la créativité et de l’individualité des personnes sans sacrifier l’intérêt collectif

Les biens communs ne sont pas uni-centriques mais poly-centriques. Leurs structures de gouvernance sont elles aussi décentralisées et variées.

Les biens communs renforcent un trait essentiel de la nature humaine et du comportement humain. Nous ne sommes pas seulement, loin s’en faut, l’homo œconomicus comme on nous le fait croire. Nous sommes bien plus que des créatures égoïstes qui ne se soucient que de leur propre intérêt. Nous ressentons ce besoin de nous intégrer dans un tissu social et nous nous y plaisons.

« Les biens communs sont le tissu de la vie », d’après Vandana Shiva. Nous aimons participer, nous impliquer et partager. Les biens communs renforcent le potentiel créatif des gens et l’idée d’inter-relationalité, en deux mots : « J’ai besoin des autres et les autres de moi ». Ils honorent notre liberté de participer et de partager.

Ça n’est pas la même liberté que celle sur laquelle repose le marché. Nos contributions nous donne accès à plus de choses. Mais nota bene” : ça ne se résume pas à “accès gratuit à tout”.

Les biens communs proposent des outils d’analyse issus de catégories différentes de ceux du capitalisme, notre « décolonisation de l’esprit » en est donc facilitée (Grybowski). Les communeurs rédéfinissent ce qu’est l’efficacité. Ils visent la coopération efficace, comment la favoriser et la mettre à la porté des gens.

Le secteur des biens communs est pluriel et rassemble de nombreux protagonistes. Ces dernières années, l’intérêt porté internationalement au paradigme des biens communs s’est largement accru.
Les communeurs et les organismes se sont constitués des alliances transnationales (Creative Commons, Wikipedia, les mouvements des Logiciels Libres et de la Culture Libre, les plateformes de partage, les organismes de lutte contre l’exploitation minière, les alliances promouvant une approche de Bem-Viver, le mouvement mondial pour une agriculture durable, le Water Commons, les jardins communautaires, la communication et les projets d’informations citoyens et bien d’autres encore).

Le discours des communs prône le changement culturel. Ce n’est pas simplement une approche technologique ou institutionnelle. Il incite plutôt au développement de nouvelles idées et de nouvelles actions personnelles et politiques.

Les biens communs, pourquoi maintenant ?